NUCLÉAIRE (HIVER)

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NUCLÉAIRE (HIVER)

NUCLÉAIRE HIVER

Des études, menées au début des années 1980, ont montré qu’une guerre nucléaire totale entre les États-Unis et l’Union soviétique aurait eu d’importants effets climatiques. Selon ces études, un voile nuageux durable se formerait, opaque au rayonnement solaire. Dans les estimations les plus pessimistes, l’obscurcissement et le refroidissement consécutifs seraient tels que leurs auteurs ont cru pouvoir prédire l’apparition d’un «hiver nucléaire» dans les régions tempérées du globe.

Ce sont les charges lancées sur les sites urbains et industriels qui sont, pour la plus grande part, à l’origine du phénomène. Les matériaux combustibles — hydrocarbures, produits organiques, etc. — y abondent et ils s’enflamment sous l’effet des explosions. De gigantesques incendies donnent naissance à des colonnes de fumées, chargées en poussières partiellement radioactives, en oxydes — notamment de carbone, d’azote, de soufre — et en suies, dont l’opacité est prédominante. Les incendies de forêts peuvent contribuer à la formation de nuages, mais leurs fumées sont moins opaques. À partir d’une certaine altitude, les panaches vont tendre à s’étaler et à se rejoindre pour former une couche uniforme au voisinage de la stratosphère. Ce voile absorbe ou réfléchit une part de l’énergie solaire incidente, de sorte que la proportion qui atteint la surface terrestre est considérablement réduite. Corrélativement, comme c’est le cas entre le jour et la nuit, la température décroît sensiblement.

Les spécialistes de climatologie s’efforcent de déterminer l’importance et la durée de ce phénomène. Ils ont recours à un modèle de circulation atmosphérique générale, à trois dimensions, du type des modèles de prévision météorologique, adapté pour permettre le traitement physico-chimique des gaz et le transport particulaire des fumées. Les résultats dépendent de nombreux paramètres et données. Il faut faire une hypothèse sur le nombre de charges nucléaires et leur énergie, sur la nature des cibles, la zone géographique concernée, la masse des fumées injectées dans l’atmosphère et leur répartition, etc. On connaît mal l’opacité des suies, liée notamment à la taille des particules. On ne sait pas davantage combien de temps elles resteront en suspension, ce qui dépend de l’altitude d’injection, choisie assez arbitrairement. La fraction restée dans la troposphère serait rincée, plus ou moins complètement, par les précipitations pluvio-neigeuses; par contre, dans la stratosphère, milieu très fermé et pauvre en eau, le voile pourrait stagner pendant de nombreux mois, retardant d’autant le retour à des températures normales.

Dans l’hypothèse d’un échange nucléaire sévère, aux latitudes moyennes de l’hémisphère Nord, en début d’été — saison la plus défavorable —, certains de ces calculs prédisent une chute de température dépassant, pour les zones continentales, allant de 10 0C à 20 0C durant plusieurs semaines. Dans les zones soumises aux influences océaniques, le refroidissement est bien plus faible. En outre, un échange, même limité à l’hémisphère Nord, pourrait étendre ses effets à l’ensemble de la planète par le biais des courants aériens en haute altitude qui favorisent la migration des nuages vers l’hémisphère Sud.

On s’est également interrogé sur le seuil à partir duquel apparaîtraient des perturbations climatiques, seuil exprimé par exemple en mégatonnes d’énergie explosive. L’évaluation est difficile. On a pu le vérifier lors de la guerre du Golfe (1991) où le voile noir créé par les incendies des sites pétrolifères, n’a pas eu, contrairement aux pronostics, d’effet climatique sensible sur la zone géographique concernée.

Il faut insister sur les incertitudes de toute nature qui entachent les résultats. Les schémas de calcul sont perfectibles, le découpage de l’atmosphère en cellules reste grossier. Les données expérimentales sont insuffisantes ou d’utilisation incertaine, qu’il s’agisse de celles qui proviennent d’incendies de forêts (Sibérie, Canada...) ou de celles qui proviennent des tempêtes de feu déclenchées par certains bombardements massifs de la Seconde Guerre mondiale.

Cependant, même si la perturbation climatique réelle se situe bien en deçà de certaines prédictions, elle peut affecter gravement la production agricole, en particulier dans les grandes régions céréalières et rizicoles. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’elle viendrait s’ajouter, dans un monde désorganisé, aux malheurs de ceux qui auraient survécu aux effets immédiats de souffle et de radiations des armes nucléaires, que l’on sait catastrophiques.

Les géologues ont introduit une notion voisine: l’hiver volcanique , qui serait dû à de gigantesques éruptions volcaniques. Les éruptions explosives éjectent en effet d’importantes quantités de poussières et de gaz dans la stratosphère, et elles absorbent et réfléchissent le rayonnement solaire, l’empêchant en partie d’atteindre le sol. L’hiver volcanique constitue d’ailleurs une hypothèse pour expliquer les extinctions massives d’espèces vivant au cours des temps géologiques. Quoi qu’il en soit, les éruptions explosives majeures des dernières décennies ont été suivies de refroidissements globaux moyens à la surface de la Terre: de 0,25 0C pour celle du mont Agung (1963, Indonésie) et celle du volcan El Chichón (1982, Mexique), de 0,2 0C pour celle du Pinatubo (1991, Philippines).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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